Coupes sélectives

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Histoire du secteur forestier canadien (article 4) : La grande transformation (1891-1929) — le boom de la pâte, du papier et du commerce

25 février 2014

Le présent article est le quatrième d’une série de cinq articles sur l’histoire du secteur forestier au Canada du 17e au 20e siècle (voir aussi les articles 1, 2, 3 et 5).

Industrie papetière : L’industrie des pâtes et papiers a pris son essor au cours des années 1891 à 1929. Dans un contexte rendu favorable par les embargos sur l’exportation des billes de l’Ontario et du Québec (qui ont entraîné la réaffectation de la fibre destinée à l’exportation vers les États-Unis à un usage intérieur), la première usine de pâte à papier au sulfite du Canada a été créée à Sheet Harbour en Nouvelle-Écosse en 1885. Des usines ont commencé à être construites là où l’épinette était abondante, où le transport par chemin de fer et par eau était disponible et où le marché américain n’était pas loin.

Les nouvelles technologies d’impression ont également eu un effet très important sur l’industrie du papier journal. Dans les années 1880, la presse rotative était devenue une machine à haute vitesse dont l’utilisation, combinée à celle de la stéréotypie, permettait de produire des journaux quotidiens en grands nombres. Les nouvelles techniques de fabrication du papier à partir de la fibre de bois (plutôt que des chiffons dont l’utilisation nécessitait une grande quantité d’énergie) ont renouvelé la valeur de la forêt de qualité inférieure et des abondantes réserves d’énergie hydraulique du Bouclier canadien où l’énergie de l’eau qui s’écoulait librement était convertie en énergie mécanique.

Un autre catalyseur de l’essor de l’industrie des pâtes et papiers a été la hausse de la demande des populations en croissance rapide du Canada et des États-Unis combinée à la suppression des droits d’importation américains sur le papier journal en 1913. En 1876, le tirage des journaux quotidiens dans les neuf principaux centres urbains du Canada était de 113 000 exemplaires. En 1883, il avait plus que doublé. La croissance des populations a motivé de gros investissements dans l’industrie canadienne de la fabrication des pâtes et papiers et l’a mise sur la voie des exportations vers les États-Unis qu’elle a suivie depuis. La capacité annuelle des usines canadiennes a augmenté d’une façon spectaculaire en passant de 715 000 tonnes en 1917 à 3 898 000 tonnes en 1930. En 1926, la production de papier journal du Canada dépassait celle des États-Unis.

Production nord-américaine de papier journal

Ce graphique linéaire représente la production de papier journal du Canada et des États-Unis à partir de 1909. Sur le graphique, on peut voir comment la production canadienne a dépassé la production américaine au début des années 1920 et a augmenté jusque dans les années 1990 avant de se stabiliser et de plonger au début des années 2000.

Déplacement régional et nouveaux investissements : Au milieu des années 1890, il y a eu un boom des investissements prolongé tandis que se développait l’accès aux ressources forestières inexploitées du Bouclier canadien et de la C.-B. Ce développement était de plus en plus financé par les investisseurs américains et, au début du 20e siècle, le secteur des ressources (et en particulier les usines de pâte) était de plus en plus contrôlé par des intérêts américains.

Entre 1898 et 1914, l’investissement brut dépassait les 15 % du PNB chaque année. Un recensement effectué par le Bureau fédéral de la statistique en 1918 a montré que cet investissement avait augmenté de près de 400 % depuis 1908. En raison de cette hausse soudaine des investissements, la production dépassait de beaucoup les besoins nationaux, de sorte qu’un commerce d’exportation prospère s’est développé. Au cours de cette période, pour chaque tranche de 100 $ investie, près de 50 $ s’ajoutaient à la richesse exportable du pays. Il est probable qu’aucune autre industrie des produits essentiels ne produira un tel rendement pour le pays à partir d’un investissement de cent dollars.

Évolution des investissements, de l’emploi et de la production dans le secteur des pâtes et papiers au Canada au début du 20e siècle.
Année  Usines de pâtes et papiers Investissement de capitaux  ($) Emploi Production ($)
1881 5 92 000 68 63 000
1891 24 2 900 907 1 025 1 057 810
1901 25 (usines de pâte) 11 558 560 3 301 4 246 781
53 (usines de papier) 6 236 8 600 000
1918 37 (usines de pâte) 241 344 704   >100 000 000

31 (usines de papier)

26 (usines intégrées)

Commerce : En 1890, les exportations de pâtes et papiers du Canada étaient évaluées à 122 $ mais elles sont passées à 1,8 million de dollars en 1900 et à 163,1 millions de dollars en 1920. À la fin de la Première Guerre mondiale, le Canada était déjà devenu le plus gros exportateur de pâtes et papiers du monde. Quatre-vingt-dix pour cent de la production canadienne de papier journal était exportée, en grande partie vers les marchés américains.

Exportations canadiennes de papier journal entre 1913 et 1919

Ce graphique à barres montre comment en sept années seulement (1913-1919), les exportations canadiennes de papier journal vers les États-Unis ont explosé.

Source : L’Association canadienne des pâtes et papiers, 1920. Manuel de l’industrie canadienne des pâtes et papiers. Montréal.