Coupes sélectives

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Histoire du secteur forestier canadien (article 3) : La grande transformation (1891-1929) — capitalisation de l’industrie forestière et évolution de l’industrie du sciage

21 février 2014

Le présent article est le troisième d’une série de cinq articles sur l’histoire du secteur forestier au Canada du 17e au 20e siècle (voir aussi les articles 1, 2, 4 et 5).

Entre 1891 et 1929, la production de l’économie canadienne a augmenté de façon spectaculaire, la population a doublé et il y a eu un accroissement considérable du capital national du pays. Les régions devenaient plus étroitement intégrées grâce à des investissements dans les transports et à des innovations dans les communications (comme la liaison ferroviaire avec le Manitoba achevée en 1882) mais l’économie était encore concentrée dans les villes principales et contrôlée par elles.

Au cours de cette période, le produit national brut (PNB) par habitant a augmenté de 177 %. Seuls la Suède et les États-Unis avaient des taux de croissance plus élevés. Sous l’effet de l’augmentation de la population et du revenu, la demande de divers biens et services pour consommateurs s’est accrue et a entraîné une diversification des activités dans le commerce et les services. De nouvelles exportations importantes comme les pâtes et papiers et les minéraux industriels se sont développées. Au 20e siècle, avec l’accroissement de la production de pâtes et papiers, les besoins en capitaux ont encore augmenté. De nombreuses sociétés se sont fusionnées et le financement par actions a commencé à influencer les tendances de la dominance des sociétés qui caractérise l’industrie forestière de nos jours. Le commerce diffus et informel des premiers jours a cédé la place à une industrie dominée par un nombre relativement petit d’entreprises familiales et de partenariats bien dotés en capitaux. Cette tendance a contribué à atténuer une partie de l’instabilité chronique des débuts du commerce, mais comme le montre le graphique du prix du bois d’œuvre ci-dessous, les périodes de hausse et de baisse sont demeurées une caractéristique constante de l’industrie jusqu’à nos jours. 

Prix du bois d’œuvre entre 1891 et 2013, en dollars de 2012.

Ce graphique linéaire représente le prix du bois d’œuvre entre 1891 et 2013 en dollars américains de 2012 et illustre la volatilité historique des prix du bois d’œuvre.

Source : 1891-2008 : Global Financial data (La source est le Chicago Mercantile Exchange qui a utilisé un indice des prix du bois d’œuvre tel que fourni dans les éditions annuelles du Manuel industriel de Moody’s entre 1891 et 1935. Les données se rapportent au sapin argenté 2x4 pour la période de 1959 à 1970, à l’épinette-pruche-sapin 2x4 pour la période de janvier 1972 à mars 1980, et à l’épinette-pin-sapin de l’Ouest à partir d’avril 1980).
2008-2013 : Épinette-pin-sapin de l’Ouest séché au séchoir numéro 2 et de qualité supérieure 2x4

L’industrie du sciage a été l’une des plus importantes industries manufacturières du Canada au cours de la plus grande partie du 19e siècle. Mais en 1926, un changement radical était en cours dans la production : alors que le centre du Canada avait été jusque-là à l’origine d’une bonne partie de la production, la part des scieries de l’Ouest canadien dans cette production était maintenant beaucoup plus grande. Les ressources forestières de l’Ontario et du Québec avaient été largement réaffectées aux industries des pâtes et papiers. En conséquence, l’industrie du sciage commençait à être supplantée par le segment des pâtes et papiers en termes de leadership de l’industrie (voir la figure ci-dessous).

Production et exportations des industries du bois d’œuvre et de la pâte en 1891 et en 1926

 Ce graphique à barres montre comment, en 35 ans seulement (1891-1926), le secteur forestier est passé de la prépondérance du bois d’œuvre à celle des pâtes et papiers et comment la production de bois d’œuvre et de pâtes et papiers est devenue nettement régionalisée.

Le développement rapide des scieries et des menuiseries dans le centre du Canada avait été stimulé par un embargo sur l’exportation des billes coupées sur les terres de la Couronne de l’Ontario (1898) et du Québec. Comme il n’y avait pas de prohibition des exportations de ce genre dans l’ouest, l’industrie de la transformation du bois massif s’est développée beaucoup plus lentement. Cependant, avec l’achèvement du Chemin de fer Canadien Pacifique dans les années 1880 et l’ouverture du canal de Panama en 1914, l’échelle des activités de l’industrie de l’ouest a fini par dépasser celle de l’est du Canada. Au début, la C.-B. exportait du bois d’œuvre surtout vers l’Australie, Hawaï, le Chili et la Chine. Pendant que la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique se poursuivait dans les années 1880, la demande intérieure de bois s’est accrue, ce qui a entraîné un accroissement de l’ampleur de l’industrie forestière dans le sud de l’intérieur de la province. Cependant, une fois la construction du chemin de fer terminée, le développement de la foresterie s’est ralenti considérablement jusque dans les années 1890. En 1910, la production de la C.-B. dépassait celle du Québec et, à la fin des années 1920, la C.-B. produisait la moitié du volume de bois annuel du Canada.