Coupes sélectives

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La pénurie de gens de métiers spécialisés — un problème régional

11 juin 2013

Les données sur les salaires sont des indicateurs importants des pénuries de main-d’œuvre : si les salaires augmentent à un taux nettement supérieur à l’inflation, on peut en déduire que le marché de l’emploi est à court de main-d’œuvre. Dans un tel environnement, les employeurs doivent offrir des salaires de plus en plus élevés pour attirer les employés.

Pour montrer que les salaires des travailleurs qui ont un ensemble de compétences donné augmentent, il est cependant nécessaire de montrer que les salaires offerts pour ces emplois augmentent par rapport à la moyenne. C’est-à-dire qu’il ne suffit pas de montrer que les salaires des gens de métier d’une province donnée augmentent pour établir qu’il y a une pénurie — il faut que les salaires des gens de métier augmentent plus rapidement que la moyenne des salaires.

Donc, pour déterminer s’il y a une pénurie de gens de métiers spécialisés au Canada, nous devons examiner d’abord la hausse des salaires dans toutes les catégories d’emploi puis dans certains métiers spécialisés en particulier.

Le tableau montre l'appréciation du salaire réel dans certaines provinces (2003-2013)
Province Appréciation du salaire réel
(croissance des salaires en sus de l’inflation)
Québec 11 %
Ontario 10 %
Alberta 28 %
Colombie-Britannique 10 %

Ces données portent à croire qu’en moyenne, les travailleurs du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont pu maintenir leurs salaires par rapport à l’inflation et même améliorer légèrement leur position au cours des dix dernières années. Cependant, d’après ces données, l’Alberta semble connaître une importante pénurie de main-d’œuvre en général : les employés ont pu négocier des augmentations de salaire supérieures à l’inflation de près de 30 % en une décennie seulement. Ces données cadrent avec les développements à l’échelle nationale des dernières années : la prospérité du secteur des ressources de l’Alberta crée de nombreux emplois et un marché de l’emploi concurrentiel tandis que les performances économiques plus modestes du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique ont entraîné une plus faible hausse des salaires.

Ajoutons maintenant les métiers spécialisés à ce scénario. En nous servant de la Classification nationale des professions pour statistiques (CNP-S), nous pouvons calculer la croissance du salaire réel de divers métiers dans différentes provinces et la comparer à la croissance moyenne des salaires dans chaque province.

Appréciation du salaire réel des métiers spécialisés par rapport à la moyenne provinciale (2003-2013)

Ce diagramme à barres montre l’appréciation du salaire réel des gens de métiers spécialisés par rapport aux moyennes provinciales au Québec, en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique entre 2003 et 2013.

À partir de ces données, on peut conclure qu’en Ontario, à l’échelle provinciale, il n’y a pas de pénurie de gens de métiers spécialisés : les salaires des métiers spécialisés n’ont pas suivi le rythme des augmentations de salaire moyennes des employés. En fait, en Ontario, les salaires des entrepreneurs, des plombiers, des charpentiers et des maçons n’ont même pas suivi le rythme de l’inflation globale depuis 2003. Au Québec, cependant, le salaire réel des plombiers, des charpentiers et des maçons a augmenté de près de 14 % par rapport à la moyenne provinciale. Ceci implique qu’il y a une pénurie relative de main-d’œuvre des métiers de la construction dans la province. La Colombie-Britannique est dans une situation semblable à celle du Québec à cet égard : il y a une pénurie de gens de métier dans le secteur de la construction ainsi qu’une pénurie potentielle de conducteurs d'équipement lourd et d’ouvriers. L’Alberta, par contre, est un cas à part et souffre de pénuries dans tous les métiers. Bien que dans l’ensemble le salaire réel ait augmenté de 28 % au cours des dix dernières années en Alberta, les salaires des métiers ont augmenté encore plus. Ceci implique qu’il y a en Alberta une pénurie importante de gens de métiers spécialisés, susceptible de se propager dans une faible mesure à la Colombie-Britannique Cependant, ce phénomène est complètement absent en Ontario alors qu’il est présent dans une certaine mesure au Québec en ce qui concerne les activités de base du domaine de la construction et de la rénovation.

Les données sur les travailleurs qualifiés examinées ici montrent plutôt des différences régionales qu’une tendance nationale nette. L’Alberta, et dans une moindre mesure la Colombie-Britannique, connaissent ce qu’on pourrait qualifier de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Au Québec, il y a une pénurie de gens de métiers spécialisés qui exercent habituellement leurs activités au niveau du ménage comme les plombiers, les charpentiers et les maçons. En Ontario, il n’y a pas de pénurie de main-d’œuvre qualifiée à l’échelle provinciale. Ceci implique que, lorsque la production des fabricants de produits du bois de l’est du Canada se redressera au cours des quelques prochaines années, les entreprises n’auront vraisemblablement pas de mal à trouver les travailleurs dont elles auront besoin. Une expansion semblable en Alberta (et dans certaines parties de la Colombie-Britannique) serait plus problématique pour les entreprises.